L’Islam radical, outil d’une ambition politique doté de puissants moyens financiers

Après les horribles attentats perpétrés à  Paris et dans l’une de ses proches banlieues, il convient de lever la tête, de sortir de l’état de sidération dans lequel ces évènements ainsi que leurs répliques (permettez-moi la métaphore tellurique) nous ont plongés et d’essayer d’y voir plus clair.

 L’on pourra déplorer ou acquiescer que la réponse à  ces attentats venant du sommet de l’Etat a été une réponse belliciste impulsive prise sous le coup de l’émotion et qui de mon point de vue n’arrangera pas les choses, bien au contraire. Mais comment expliquer qu’une série de trois attentats perpétrés sur le sol français par des Français et un Belge puisse conduire à  bombarder en guise de représailles des sites situés en Syrie ?

N’est-ce pas là  une stratégie d’auto-dénégation qui vise à  désigner la Syrie comme coupable afin de faire oublier l’impuissance de la France à  intégrer une partie de sa jeunesse qui malgré la très grande qualité de vie dont bénéficient les français, et dont ont bénéficié ces terroristes, préfèrent se donner la mort après avoir saccagé le pays qui les a nourri ?

Non, quand des français tuent des français, il y a une incontournable difficulté à  désigner comme coupable manifeste un pays tiers .

Néanmoins cette difficulté est contournée par le fait que la Syrie n’est pas directement accusée, c’est plutôt l’Organisation pour un Etat Islamique qui est explicitement visée. En effet c’est DAESH qui est explicitement visée par les bombardements français et ce, au motif que cette dernière prône un Islam radical, pur, conforme à  celui que préconisait le prophète et qui devrait être appliqué selon eux comme à  l’époque de Mahomet …

Cependant on pourrait légitimement, on devrait moralement, se poser la question de savoir ce que veut DAECH ?

DAECH s’appelle aussi OEI (Organisation pour un Etat Islamique) aussi sait-on dès lors ce qu’ils veulent. Ils veulent un état régi par la Charria, soumis au Coran … Soit, mais dans l’appellation EI ( Etat Islamique) il y a Etat et il y a Islamique aussi doit-on se poser la question de savoir parmi les deux lequel est le but, lequel est le moyen ? En clair le but est-il d’avoir un Etat quitte à  utiliser pour cela la religion Islamique o๠le but est-il d’imposer l’Islam au sein d’un même territoire ?

Le rêve d’unité du monde arabe

Pour ma part l’analyse est la suivante. Si DAECH était dans la position d’une guerre de religion alors elle chercherait à  tuer le maximum de chrétiens et et de juifs et s’efforcerait de protéger les musulmans, or dans les faits il est évident que les musulmans sont de très, très loin les premières victimes de DAECH aussi dès lors l’on peut conclure que nous ne sommes pas dans le contexte d’une guerre de religion…

L’on sait aussi que cela soit en IRAK ou en Syrie, Saddam HUSSEIN comme Bachar et Hafez el-ASSAD avaient une gestion totalement laïque de leurs pouvoirs.

La Syrie comme l’Irak est gérée depuis 1963 par le parti BAAS dont la devise est Unité, Socialisme et Liberté. Le parti BAAS nait d’un cercle de réflexion créé en 1939 en Syrie, par deux jeunes syriens qui après avoir effectué leurs études à  Paris sont rentrés à  Damas (Michel Aflak et Salahedine Bitar, le premier chrétien orthodoxe, le deuxième sunnite). Tous les deux veulent un parti laïc et non communautaire qui doit aboutir à  l’unité du monde arabe par la suppression des frontières et qui mette en commun ses ressources et qui soit géré par les arabes. Le parti BAAS arrivera au pouvoir en 1963 en Irak comme en Syrie.

Accessoirement l’on pourrait rappeler qu’en février 1958 Shukri al-Kuwatli (alors président de le Syrie) signe l’union avec l’à‰gypte de Nasser, qui dure de 1958 à  1961 (R.A.U.: République arabe unie).

Preuve donc, s’il en était besoin que la volonté d’union du monde arabe, n’est pas une innovation de DAECH, elle semble plutôt être une force qui a été longtemps contrariée par la puissance de l’empire Ottoman et par le partage franco-anglais qui lui a succédé.

Ainsi donc pourrait-on supposer que la finalité de DAESH est la même que celle du parti BAAS (l’unité du monde Arabe) et que la religion musulmane n’est que l’outil de cette ambition.

Les moyens financiers considérables de Daesh, dans un contexte de crise économique

d’o๠vient l’argent ?


Cela est pour nous, le théatre des opérations, pour bien comprendre ce qui se passe il est nécessaire de se poser la question des moyens. Aussi la première question qui doit venir à  l’esprit est de savoir comment est-ce qu’une organisation terroriste, de guerilla a pu en moins de quatre années prendre le contrôle de zones aussi vastes et aussi puissamment armées ?

On estime en effet que le budget actuel de DAESH est de plus de 2 milliards de dollars. Même si l’on sait maintenant que DAESH tire 36% de ses revenus du pétrole, avant de disposer de cette manne pétrolière elle devait déjà  disposer d’un fonds de roulement absolument conséquent pour financer une telle armée sur un tel territoire et tenir tête à  de tels opposants …

Alors même que la planète entière est dans un contexte de paupérisation des classes populaires (arabes entre autres, cf le printemps arabe…). C’est donc que DAESH, comme al-Nosra ou d’autres organisations d’islamistes radicales ont reçu des financements en provenance de l’extérieur des territoires qu’ils annexaient

Aussi à  ce propos, il est intéressant de regarder les budgets militaires des pays de la région. Depuis 2013, l’Arabie Saoudite est identifiée comme étant le 4ème budget mondial en terme de dépenses miliaire (cf Saudi Arabia 4th largest military spender in the world source ANSA).

De 2008 à  2014, le budget militaire de l’Arabie Saoudite est passé de 38,2 milliards de dollars à  80,8 milliards de dollars. Au cours des mêmes années celui de la France a baissé, passant de 65,7 milliards de dollars à  62,3 milliards de dollars. ( source wikipedia – budget du secteur économique de la défense et dépenses militaires des pays )

Connaissant les principaux acteurs en matière de guerres sur la planète et connaissant leurs situations, on peut s’expliquer certains budgets, toutefois le budget de l’Arabie Saoudite semble non seulement disproportionné par rapport à  ses activités guerrière (ou du moins l’idée que l’on s’en fait), mais l’évolution dans le temps semble coller particulièrement bien avec l’actualité régionale du Moyen-Orient. Ce sont là , quelques éléments qui, me semble t-il, il convient d’avoir à  l’esprit quand on cherche à  analyser ce qui s’est passé le Vendredi 13 Novembre 2015.

Auteur/autrice : perspektives

Didier Levreau, créateur en 2010 du site Perspektives, 10 ans d'existence à ce jour