Il a fallu 80 ans pour faire la vérité sur l’amiante santé publique et argent, un temps trop long

Quand on parle de la nocivité ou pas des pesticides, le cas de l’amiante revient souvent comme l’exemple à  ne pas suivre. Il nous a semblé intéressant de rappeler ici les grandes lignes du dossier « amiante », matériau qui n’a été interdit qu’en 1997 alors qu’en 1905 déjà  un médecin du travail avait donné l’alerte.

 Question en 2012 : peut-on sans risque pour la santé humaine, pulvériser dans l’air à  50 mètres de zones habitées et de cours d’eau, des produits chimiques puissants destinés à  soigner les plantes ?

En 1960, une autre question se posait : l’amiante est-elle dangereuse ? Quelques voix l’affirmaient, d’autres le niaient, défendant l’utilisation de ce produit très rentable et souple d’utilisation. Malgré des dizaines de rapports, de mises en garde, il a fallu attendre trente ans pour que l’amiante soit interdite. Pour l’amiante, aujourd’hui on sait, pour les pesticides, les camps s’opposent.

Il y aurait d’un côté des intellectuels/écolo qui ne connaissent rien à  rien et de l’autre des acteurs économiques bien ancrés dans la réalité qui défendent l’emploi et le travail. Un air connu, au relent populiste, porté par ceux qui confondent l’intérêt général et les intérêts particuliers liés, dans le cas qui concerne la Guadeloupe, à  une activité agro-industrielle: la culture de la banane.

Un air tellement connu qu’il a été joué à  plusieurs reprises et toujours avec le même résultat dans le courant du 20em siècle. Les cas les plus célèbres sont : l’amiante, mais aussi le distilbene, le chlordécone, le médiator, les OGM toujours en débat etc. Ajoutons le banol. Il est avéré que le banol l’un des produits qui a été pulvérisé dans l’air pendant des mois en Guadeloupe et en Martinique pour traiter la banane contre la cercosporiose, est cancérogéne. Il n’est plus utilisé à  ce jour, parce qu’un petit groupe de personnes dans les deux îles s’est mobilisé. Sinon le banol continuerait a être répandu au-dessus des bananiers, pour aller ensuite tranquillement, se répandre dans l’eau des rivières, sur les terres agricoles et s’ajouter au cocktail de pesticides déversés depuis cinquante ans sur la Guadeloupe.

Si l’on reprend l’histoire de l’amiante, du chlordécone, du médiator on observe que la prise de conscience a toujours suivi le même processus. Des individus ont commencé à  mettre en doute certains produits ou certaines pratiques, ils n’ont pas été entendus, on a tenté de les décrédibiliser – ce fut le cas dans l’affaire du Médiator – jusqu’au moment o๠l’évidence n’a plus pu être dissimulée.

Il a fallu près d’un siècle pour que les masques tombent dans l’affaire de l’amiante, plusieurs années pour que des produits comme le distilbene ou le médiator soient interdits, alors que le ministère de la santé recevait des alertes. Pour le médiator, de sérieux doutes existent sur les conflits d’intérêt entre des experts du secteur public et le laboratoire Servier. C’est le passé, pourrait-on dire, mais le pire est de voir l’histoire se répéter.

L’édifiante histoire d’un produit miracle : l’amiante

La mise en perspectives étant l’un des travers de cette revue en ligne, il nous a semblé intéressant de revenir sur la très longue histoire de l’amiante. Relire l’histoire récente permet d’éclairer – en principe – le présent.

L’amiante a été définitivement interdite en France le 1er janvier 1997.

En 2012, un tribunal italien a condamné un ex-dirigeant du groupe Eternit et un administrateur a 16 ans de prison. La justice italienne a estimé Stephan Schmidheing, milliardaire suisse et Jean-Louis de Cartier de Marchienne, responsables d’une catastrophe sanitaire et environnementale qui a co ûté la vie à  3000 personnes en Italie.

L’amiante a été l’un des produits miracles du 20em siècle. Ce minéral résistant à  la chaleur, à  l’usure, imputrescible, isolant phonique et thermique a des qualités exceptionnelles et un faible co ût financier. Idéal pour l’industrie du bâtiment : avec l’amiante on a fait des plafonds, des cloisons, des tubes, des fenêtres etc, pendant des dizaines d’années, sur tous les continents.

Presque un siècle avant son interdiction définitive en France, en 1905, un médecin du travail de Caen, Denis Auribault, publiait un rapport sur la mortalité anormale des ouvriers d’une usine de textile utilisant l’amiante. C’est le premier rapport connu, il mettait en cause les cristaux de silice qui volaient dans des ateliers mal ventilés et allaient se loger dans les poumons des ouvriers (1).

Jusqu’en 1996 et le rapport de l’Inserm qui a conduit à  l’interdiction de la fabrication, de l’importation et de la vente de l’amiante en France des dizaines de documents ont été publiés allant dans le même sens. pour résumer disons que dès 1907 les premières fibroses pulmonaires chez des sujets ayant été exposés à  l’amiante sont apparues; qu’entre 1934 et 1954 près de 30 rapports ont été publiés faisant état de cas de cancers chez les travailleurs de l’amiante; en 1977 toutes les variètés d’amiante ont été classées cancérogènes par le centre international de recherche sur le cancer.

En Europe, aux Etats-Unis, en Afrique du sud des rapports sortent, mais l’amiante continue à  être utilisée jusqu’à  la fin des années 1990. Pour les mêmes causes, les même doutes, les mêmes arguments qui ont fait utiliser le chlordécone jusqu’en 1993 : la  » mauvaise raison » économique a résisté jusqu’au bout, les enjeux financiers étaient tels que les arguments de santé publique ne passaient pas.

Jusqu’au début des années 1990 on a entendu des décideurs économiques et politiques assurer que l’amiante n’était pas aussi dangereuse qu’on le disait, et qu’avec de bonnes mesures de protection on pouvait l’utiliser. Un air connu ! Quelques années plus tard, les mêmes ont bien du se rendre à  l’évidence et accepter les conclusions médicales et dans certains cas, comme en Italie, les décisions de justice.

Est-ce que ces personnes, cramponnés à  un très discutable « réalisme-économique- à -tous-prix », dorment bien la nuit ? Nous sommes preneurs sur ce site de leurs réponses à  cette question et nous en posons une autre qui raméne à  l’épandage aérien et à  la Guadeloupe :  » En temps de crise, peut-on continuer à  financer avec l’argent public une activité en fin de course telle qu’elle est pratiquée, nuisible à  la santé et l’environnement ? » Evidemment non, les mêmes sommes doivent être affectées a des activités créatives et tournées vers l’avenir.

Auteur/autrice : perspektives

Didier Levreau, créateur en 2010 du site Perspektives, 10 ans d'existence à ce jour