Epandage aérien: les cercosporioses, révélateurs du vrai problème de la banane, la reconversion

L’économie de la banane, telle qu’elle est pratiquée, totalement financée par des fonds publics ne pourra pas durer. Quelques idées pour alimenter le débat et, pour le collectif contre l’épandage aérien, un texte de Jacky Dahomay, qui appelle à  un rassemblement le 11 ao ût à  9h à  Trois-Rivières.

 De leur point de vue on peut penser que les planteurs ont raison de demander – et d’obtenir – une fois encore une dérogation pour utiliser une méthode et des pesticides discutables pour traiter les champs de bananes. Ils défendent leurs intérêts, leur métier, une activité qu’ils pratiquent depuis des décennies, une culture traditionnelle rattachée à  un patrimoine etc.

OK. Mais on peut penser aussi que les planteurs ne sont pas seuls à  vivre en Guadeloupe et qu’ils ont une responsabilité à  assumer vis à  vis de l’ensemble de la population. Au regard de l’évolution de l’économie mondiale, on peut penser qu’il est de leur responsabilité de faire évoluer leur activité et préparer une reconversion, au moins partielle.

Pourra-t-on longtemps encore exporter vers l’Europe la banane en provenance de Guadeloupe ou de Martinique, compte tenu de la taille et du co ût du travail dans les exploitations sud-américaines voisines ? L’activité bananière dans ces deux départements français est subventionnée, quasiment comme une administration. Si l’Etat se retire, l’activité telle qu’elle est aujourd’hui, disparait.

Le réalisme économique de ce point de vue et du point de vue de l’économie libérale voire ultra libérale serait d’abandonner une activité qui ne vit, presque, que de fonds publics. D’un point de vue moins « libéral » on peut évidemment argumenter sur le co ût social d’un tel abandon.

Mais est-on s ûr qu’une reconversion raisonnée, soutenue par les millions d’euros, actuellement attribués exclusivement à  la banane, ne serait pas plus efficace en terme d’emplois, qu’une  » lutte chimique raisonnée » tel que la décrive les planteurs, pour sauver une activité qui, dans les conditions o๠elle est pratiquée, arrive en bout de course. Pour résumer: est-ce qu’augmenter la productivité à  l’hectare de bananes plantées à  un avenir en Guadeloupe ?

Ce débat rappelle, dans un contexte évidemment différent, celui de la vigne dans le sud de la France il y a quarante ans. La quantité n’avait plus d’avenir, il a fallu travailler sur la qualité et les viticulteurs ont arraché leurs vignes. Ceux qui restent aujourd’hui travaillent autrement et ont réussi : moins de rendement, mais plus de qualité !

Voici quelques idées pour alimenter le débat. Etre opposé à  l’épandage aérien, ce n’est pas forcément être opposé à  la culture de la banane, ni aux planteurs, ni à  l’agriculture guadeloupéenne. Les cercosporioses, champignons dont la présence  » aboutit à  une diminution drastique de la production bananière » comme l’écrivent les planteurs, sont révélateurs d’une question plus profonde: quelle reconversion possible pour l’agriculture en Guadeloupe, sachant que les rentes de situation, comme la banane arrivent à  leurs termes.

Un entrepreneur, une ville, une région, un pays qui pensent reconversion, ne sont pas en défaut, au contraire, ils anticipent l’avenir. Des entrepreneurs, des villes, des régions, des pays ont réussi leurs reconversion et d’autres l’ont manquée.

Texte du collectif contre l’épandage

Nous publions ci-dessous un texte du collectif contre l’épandage aérien qui fait le point sur sa dernière réunion et appelle à  un rassemblement à  Trois-Rivière ce samedi 11 ao ût à  9h, devant l’église du bourg.

Lors de notre réunion de lundi dernier, nous avons précisé quelques points au cours de nos discussions. Il a été retenu que nous devrions adresser une lettre ouverte aux élus sur la question de l’épandage aérien, ce qui va bientôt être fait. Ensuite a été souligné la propagande menée par certains planteurs pour désinformer la population et établir une position hégmonique dans l’opinion publique. Notre rôle est de casser cette hégémonie en nous faisant entendre et en rendant plus explicites nos positions. Ainsi, l’axe de la propagande des planteurs les plus déterminés est de faire croire que certains produits ne sont pas si dangereux que cela car, par exemple, le chlore est utilisé dans les piscines et le banol est de la parafine et on vend de la parafine dans les pharmacies. Ou encore que beaucoup de ces produits se retrouvent dans les insecticides comme le Baygon. Précisons tout de même que ce dernier produit est toxique, même dans l’usage ménager et qu’il serait

scandaleux qu’il soit répandu par épandage aérien sur la Guadeloupe. Ensuite le banol répandu n’a pas tout fait la même composition chimique que la parafine et concernant, cette dernière, son inhalation ou sa digestion sont très nocives pour l’organisme. Presque tous les produits vendus en pharmacie contiennent une toxicité et sont vendus sous prescription médicale. C’est vraiment abuser de la bonne foi de la population.

Car ce qui est en question c’est l’usage de ces produits par le mode de l’épandage aérien. Il y a un danger réeel car depuis 40 ans que se pratique cet épandage en Guadeloupe et en Martinique, les sols sont sursaturés pour des siècles de produits toxiques pour la santé et l’environnement. Ainsi, la chlordécone a pollué les sols, les rivières, les mers et même le grand cul de sac marin en contient ce qui est très grave car c’est le lieu o๠se reproduisent les poissons. Dans certaines régions on ne peut plus planter des racines. On a retrouve de la chlordécone dans le placenta de certaines femmes enceintes ! C’est une catastrophe pour la Guadeloupe.

Pour cette raison, certains planteurs dont le lobby avait obtenu une dérogation à  l’époque devrait sinon demander pardon à  la Guadeloupe du moins manifester plus de réserve que cela. Et à  supposer que sur cette question, on peut trouver des « scientifiques » minorant les effets dangereux des produits utilisés, le simple fait que des organismes autorisés, en Europe, aux USA comme aux Antilles se soient prononcés fermement contre leur usage, nous donne le droit d’exiger de l’Etat un principe de précaution. Car c’est surtout l’accumulation de ces produits au cours des années qui crée un réel danger pour la faune, la flore et la santé dans notre pays. Si cela continue, la Guadeloupe, l’île aux belles eaux, deviendra le pays aux eaux polluées o๠l’on devra importer de l’eau à  boire, des ouassous,

des poissons, des ignames, des patates, des malangas, des langoustes.

Il est donc de notre devoir de ne pas laisser faire et nous irons jusqu’au bout de notre combat. Que cela soit bien entendu ! C’est une exigence morale inaliénable. Notre cause est juste.

Certes, nous avons aussi discuté de l’avenir de la flilière banane. Nous ne sommes ni contre la banane ni contre la majorité des planteurs dont les familles peuvent aussi être

victimes de ces pratiques. Il existe peut-être d’autres modes de luttes contre les maladies de la banane. Dans tous les cas, l’intérêt général doit passer avant les intérêts particuliers. Certains professionnels disent que de toutes les façons, la culture de la banane d’exportation est condamnée à  moyen terme car les petites Antilles ne pourront jamais faire face à  la concurrence des pays d’Amérique Latine par exemple. Il appartient donc aux professionnels concernés, aux élus et à  l’Etat d’organiser une grande concertation à  ce sujet. Ce n’est pas directement notre rôle.

Pour toutes ces raisons, nous lançons un appel à  tous les citoyens et nous vous demandons de nous rejoindre tous samedi matin, 11 ao ût à  9 heures sur la place de l’Eglise à  Trois Rivières. Compte-tenu du tour cycliste, nous aviserons sur place des redéploiements possibles.

Pour le Collectif, Jacky Dahomay

(1) Les Cercosporioses, champignons parasites qui s’attaquent aux feuilles des bananiers. Ils viennent d’Asie, ils ont été identifiés pour la première fois sur le continent américains au Honduras en 1972. Détecté en Martinique en 2010 et en Guadeloupe en 2012.

Ils provoquent le dessèchement des feuilles, le bananier produit un régime mais la croissance est réduite d’o๠une diminution de la production. En outre, cela provoque une maturation précoce des fruits qui restent consommables mais sont difficilement commercialisables, en particulier à  l’exportation

Auteur/autrice : perspektives

Didier Levreau, créateur en 2010 du site Perspektives, 10 ans d'existence à ce jour