La banane est un frein plus qu’un atout à  l’économie guadeloupéenne

L’épandage aérien sur les plantations de bananes est autorisé pour six mois supplémentaires en Guadeloupe. Cette pratique constitue un risque pour l’environnement et la santé publique. Est-il nécessaire de prendre ce risque pour une activité artificiellement soutenue et bénéficant à  quelques gros planteurs ? Claude Edmond, président de l’Institut Rémy Nainsouta, nous livre un éclairage.

 Les cultures traditionnelles ( banane, canne-sucre-rhum) tournées principalement vers l’exportation, représente 36% de la valeur de la production agricole en Guadeloupe. Ces mêmes cultures constituent 51% de l’activité agricole en Martinique. Cette position dominante fragilise le secteur agricole et par ricochet l’ensemble de l’économie du territoire très dépendante des aléas climatiques.

En 2000, la banane couvrait en Guadeloupe 12% des 31 768 hectares de surface agricole utilisée (SAU). En 2010 elle ne couvrait plus que 7,7% de cette surface. A titre de comparaison, la banane couvrait 30% de la surface agricole en Martinique la même année, tandis que la canne couvre 45% de la surface agricole en Guadeloupe.

La production bananière demeure toutefois la principale activité agricole en Guadeloupe, elle représente 20% des recettes du secteur et 3000 emplois directs ou indirects. En Martinique, la banane représente 40% des recettes agricoles et 7000 emplois.

En 2011, la production bananière en Guadeloupe s’élève à  92 227 tonnes dont 32 615 sont destinées à  la consommation locale et 59 612 à  l’exportation, pour un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros.

Ces chiffres peuvent sembler flatteurs, ils cachent pourtant une réalité que dénonce sans nuance la cour des comptes dans son rapport annuel de 2011. A la page 454 du rapport on lit : la priorité de favoriser les productions exportatrices (banane, canne-sucre-rhum) apparaît comme  » un choix à  la fois co ûteux et inefficace en termes d’emplois  »

La rente des subventions et des barrières tarifaires

Ces deux secteurs agricoles, banane et canne, mais surtout la banane, sont protégés par des barrières tarifaires et subventionnés à  travers deux dispositifs : le programme d’options spécifiques à  l’éloignement et à  l’insularité (POSEI) qui intègre les budgets de l’ananas, du sucre et la banane. Il s’élève à  278 millions en 2011 ; le fonds européen agricole de développement rural (FEADER) est fixé à  138 millions pour la Guadeloupe pour la période 2007-2013.

La banane est la première bénéficiaire avec 53% des crédits communautaires contre 28% pour la canne. C’est ainsi que l’aide par tonne de bananes produites est passée de 350 à  691 euros entre 2002 et 2008. Ces crédits constituent de véritables rentes indues versées à  certaines catégories de producteurs et notamment quand les prix flambent.

Au final, le revenu des agriculteurs guadeloupéens repose à  70% de subventions publiques en 2008 (160% en Martinique) et provient pour l’essentiel d’aides totalement déconnectées de la production. Elles sont attribuées à  l’hectare c’est-à -dire par rapport à  la surface de l’exploitation et sans aucun plafonnement.

La politique agricole commune (PAC) contribue ainsi à  pérenniser la disparité agricole en bénéficiant davantage aux grosses exploitations très compétitives et favorisant la concentration foncière. Parallèlement, ces subventions fragilisent la petite agriculture familiale d’autosubsistance qui joue pourtant le rôle de tampon social face à  la crise de l’emploi.

L’exploitation guadeloupéenne moyenne est passée à  4,1 hectares en 2010 contre 3,5 hectares en 2000. Par ailleurs, le nombre d’exploitation a baissé d’un tiers sur la même période (de 12 099 entreprises agricole en 2000, seulement 7 852 en 2010).

En définitive, ces aides n’ont pas permis d’assurer le maintien de l’emploi dans les exploitations agricoles. Celui-ci a régressé de 36% en Guadeloupe (41% en Martinique) entre 2000 et 2007. Ces financements publics ont plutôt servis à  préserver le chiffre d’affaires des planteurs.

La diversification nécessaire des productions agricoles: melon, ananas, élevage, lait, oeufs, fruits et légumes etc.

La diversification constitue le véritable enjeu pour la Guadeloupe. L’agriculture constitue un des secteurs clés pour le développement endogène d’autant que le taux de couverture en 2007 n’est que de 20% pour les produits agricoles et alimentaires. En outre, la surface exploitée en agriculture biologique n’est que de 0,2% des surfaces en 2008 contre 10,5% en Guyane.

Le melon offre un potentiel commercial à  encourager pour l’export ou la transformation. Il représente le troisième produit d’exportation. D’autres niches de production reste à  explorer ou développer. Par exemple, l’ananas ou encore la filière animale avec la production laitière. Le taux de couverture des besoins de la production animale guadeloupéenne est de 14% (43% à  La Réunion) et de 13% pour le lait (56% à  La Réunion). La production de volaille ne représente que 10% de la consommation fraîche et par ricochet, la production d’oeufs reste faible (autosuffisance en Guyane et à  La Réunion).

De surcroît, la production de fruits et légumes ne couvre que 62% de la consommation locale contre 90% en Guyane. Par ailleurs, le secteur de l’agro-nutrition constitue l’une des quatre filières prioritaires (avec l’environnement, les énergies renouvelables et le tourisme) qui bénéficient du taux bonifié d’exonération dans le cadre des zones franches d’activités.

La diversification s’impose donc, d’autant qu’on assiste à  une réduction progressive des droits de douane européens à  l’égard des bananes latino-américains, en échange de l’abandon par ces pays des poursuites engagées auprès de l’organisation mondiale du commerce (OMC).

Ainsi, ces droits devraient passer de 176 euros/tonne à  114 euros/tonne d’ici le 1er janvier 2017 et 75 euros/tonne à  compter de 2020 avec une augmentation annuelle des exportations de 3% sans limitation de temps.

Il paraît urgent de redéployer les aides communautaires en privilégiant une plus grande diversification des produits et des circuits de transformation. Par ailleurs, la production agricole devrait davantage être adaptée à  la consommation locale et aux demandes liées au tourisme, plutôt que vers des cultures d’exportation plus propices aux divers champignons.

Sources bibliographiques


La politique de soutien à  l’agriculture des DOM. Rapport annuel 2011 de la Cour des comptes pp. 443-483.

-25 ans au service de l’agriculture d’outre mer. Office de développement de l’économie des DOM (ODEADOM). 2009.

-Rapport annuel 2011 de l »’stitut d’émission des départements d’outre mer (IEDOM). Pp. 71-85. Juin 2012.

Auteur/autrice : perspektives

Didier Levreau, créateur en 2010 du site Perspektives, 10 ans d'existence à ce jour