Le lycée du Nord-Grande-Terre à Port-Louis est un exemple d’architecture guadeloupéenne contemporaine. La démarche des deux architectes qui l’ont réalisé, au-delà des concepts qu’ils mettent en oeuvre, nous éclaire sur la Guadeloupe de ce début de XXIe siècle. Il fut un temps pas si lointain o๠lorsqu’il fallait construire des édifices publics en Guadeloupe des architectes venus de Paris faisaient le voyage. Le plus emblématique fut Ali Tur. Après le cyclone dévastateur de 1928 il fut chargé d’élaborer les plans de dizaines d’écoles, de bâtiments publics et d’églises qui marquent encore le paysage de l’île. Il a installé ses bureaux sur place le temps de mener à bout ces chantiers puis il est reparti. Comportement colonial au temps de la colonie. Comme il était architecte et ingénieur de qualité, huit décennies plus tard on ne peut pas jeter entièrement son travail aux orties. Ali Tur a observé, travaillé et tenu compte des problématiques spécifiques liées à l’ensoleillement et à la ventilation dans la Caraïbe, territoire et climat qu’il ne connaissait pas auparavant.
Ses bâtiments sont généralement bien orientés, traversés par la brise; partout o๠il a pu le faire, des auvents, des galeries couvertes protègent des rayons du soleil. L’ingénieur, tout en utilisant le béton a repris à son compte le bon sens des constructions traditionnelles adaptées à l’environnement physique de l’île, dans ce sens son travail a acquis une certaine légitimité. Mais il n’est pas allé plus loin. Il n’a pas pris en compte l’environnement humain, culturel, historique, social, l’architecture d’Ali Tur est monumentale, imposante par rapport à ce qu’était la Guadeloupe des années 1930. On peut dire qu’elle symbolise une domination culturelle et conceptuelle venue d’ailleurs, en cela Ali Tur fut un architecte colonial.
L’architecture est un moyen d’expression, un langage qui se lit, s’exprime possède un sens. Qu’en est-il 2010 ? Au cours de ces années la Guadeloupe n’a pas échappé comme beaucoup de régions du monde au bétonnage sans âme. Mais n’en restons pas là .
Des architectes guadeloupéens travaillent pour et défendent une architecture guadeloupéenne. Pascal Berthelot et Jean-Michel Mocka-Célestine qui ont réalisé le lycée de Port-Louis sont dans cette démarche et l’expliquent avec une certaine passion. Avec eux, tentons une lecture de ce lycée du Nord-Grande- Terre dressé à un jet de pierre de Beauport. Ce lycée en dit beaucoup sur ce qui a changé en Guadeloupe depuis Ali Tur et sur ce qui reste à faire.