Incidents devant une synagogue parisienne, la version officielle des faits contestée

La version des faits concernant les incidents qui se sont produits le 13 juillet à  Paris devant la synagogue de la rue de la Roquette, après une manifestation pour la paix entre Israél et la Palestine pose question. Daniel Auerbach qui se trouvait sur les lieux donne sa version des faits et s’adresse au président de la République.

 MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE,

C’est entendu, les hordes mahométanes ont déferlé sur Poitiers en 732 de l’ère commune et sur la synagogue de la rue de la Roquette dimanche dernier, 13 juillet 2014. Concernant Poitiers, il est à  noter que Charles Martel, un lointain prédécesseur de votre actuel Premier ministre, profita de l’occasion pour affermir son pouvoir puis usurper quelques années plus tard la fonction de votre lointain prédécesseur (un certain Thierry IV, bien oublié de la grande histoire … Concernant la synagogue de la rue de la Roquette, le nom de cette artère, probablement tiré d’un végétal se consommant en salade, ne devrait pas inciter à  en raconter (des salades).

En effet, je puis témoigner, ayant été présent sur les lieux, que la version des faits qui a conduit à  l’émoi national ainsi qu’à  l’interdiction par votre gouvernement d’une manifestation pour la paix entre Israà«l et Palestine, samedi 19, pose (au moins) cinq questions.

Question 1. Pourquoi parler de « centaines d’assaillants »?

J’étais rue de la Roquette au moment et à  l’endroit exacts de la confrontation entre vingt ou trente éléments perturbateurs (peut-être issus d’une autre manifestation pour la paix entre Israà«l et Palestine qui venait de s’achever à  quelques dizaines de mètres de là , place de la Bastille) et une bonne cinquantaine de membres de la LDJ ou du Betar, assurant un service d’ordre ou bien plutôt de désordre – nous y reviendrons – de la synagogue précitée. Toutes les vidéos tournées, ainsi probablement que le rapport de la police qui a fini – nous y reviendrons aussi – par arriver, attestent ou devraient attester du faible nombre d’assaillants. Dès lors, pourquoi gonfler ce nombre?

Question 2. Pourquoi occulter l’imprudence des responsables de la synagogue?

Alors que la date, l’heure et le parcours de cette manifestation étaient déjà  connus, la synagogue de la rue de la Roquette, située à  quelques dizaines de mètres de son point d’arrivée, n’a rien trouvé de mieux à  faire que d’organiser, à  l’heure même de son arrivée, un événement intitulé «Israà«l on t’aime! Grand rassemblement de soutien». Or, chacun sait que la fin d’une manifestation est souvent le moment choisi par des éléments perturbateurs échappant au contrôle de ses organisateurs pour se livrer à  des actes de violence: dès lors, il est imprudent et pour tout dire irresponsable sinon provocateur d’avoir choisi l’heure et le lieu même de la fin de cette manifestation pour organiser, en quelque sorte, une contre-manifestation, susceptible d’agir comme un chiffon rouge sur l’esprit de tels éléments.

Question 3. Pourquoi occulter les provocations de la LDJ?

Si le sens de la responsabilité de ladite synagogue peut ainsi être mis en cause, que dire de celle de la LDJ qui avait pour sa part, dans ces conditions, lancé un appel parallèle à  cette contre-manifestation? Cette organisation, qui n’est pas spécialement réputée pour être un cercle de réflexion, a accumulé les provocations les jours précédents sur les réseaux sociaux, invitant les participants à  la manifestation à  venir l’affronter… devant la synagogue. Peu après 18 h. 00, revenant moi-même de cette manifestation (que je quittai, précisément, par la rue de la Roquette, n’étant pas au courant de la contre-manifestation organisée par la synagogue

Question 4. Comment expliquer l’arrivée tardive de la police?

En de telles conditions, de 18 h. 00 environ jusqu’à  la fin de l’affrontement finalement survenu peu avant 19 h. 00, alors qu’il était comme on l’a vu inévitable qu’une partie des manifestants passe devant la synagogue puisque la rue de la Roquette est l’une des artères qui rayonnent de la place de la Bastille, terme de la manifestation, il n’y avait que cinq ou dix agents de police devant cette synagogue. Pourquoi? Les renforts étaient-ils si loin? Que nenni, puisqu’ils sont arrivés rapidement et en nombre après que l’affrontement redouté (espéré?) eut éclaté: les quelques vidéos qui circulent et montrent des policiers chargeant (aux côtés de la LDJ…) quelques individus esseulés se déroulent en réalité à  la toute fin de cet affrontement, lequel n’a pas duré plus de dix minutes en sa phase la plus intense (si l’on exclut la demi-heure l’ayant suivie d’un jeu du chat et de la souris entre les CRS et quelques jeunes du quartier finalement repoussés au nord de la place Voltaire).

Question 5. Comment expliquer la couverture partiale de la presse?


Dans les heures et jours qui ont suivi, la presse a fort peu couvert les quatre heures de manifestation pour la paix qui s’étaient déroulées de façon pacifique et sans débordement entre Barbès et la Bastille, se focalisant au contraire sur les dix minutes de violence de rue survenue dans ces conditions à  l’issue de cette manifestation, en-dehors de son trajet comme du contrôle de ses organisateurs. Pourquoi?

Mercredi 16, alors que Mme Mouna Ben Aïssa, journaliste de France 24, s’efforçait à  l’antenne et preuves à  l’appui de démontrer que cette violence n’était pas survenue par hasard mais avait au contraire été construite par la LDJ sinon par les responsables de la synagogue eux-mêmes, elle s’est vue brutalement, avec une vulgarité et un machisme rarement vus, interrompue par son collègue M. Raphaà«l Kahane. Pourquoi?

De tout ceci, Monsieur le Président de la République, témoin des faits s’étant déroulés rue de la Roquette ce dimanche 13 juillet entre 18 h. 00 et19 h. 30, heure à  laquelle je suis rentré chez moi, je retire le sentiment d’une manifestation outrancièrement minorée par la presse et la police, d’une provocation du service d’ordre de la synagogue (en réalité composé essentiellement de la LDJ et du Betar, deux organisations peu connues pour leur pacifisme) passée sous silence par la presse et largement tolérée par la police, d’une manifestation fondatrice aussi car l’Etat français pourra difficilement continuer à  ignorer la colère d’une partie importante de sa population face à  la politique palestinienne de l’Etat d’Israà«l et face à  son propre aveuglement quant à  cette politique. La question palestinienne n’est pas une simple question de politique étrangère: de la même façon que la dignité bafouée des populations noires d’Afrique du Sud retentissait en France lorsqu’il s’agissait de dénoncer en France la politique d’apartheid de l’Afrique du Sud, la dignité bafouée des populations palestiniennes retentit partout o๠vivent des personnes attachées aux droits humains.

Alors que votre gouvernement a interdit, sur des bases aussi litigieuses voire aussi ostensiblement biaisées, la manifestation pour la paix prévue samedi 19, je souhaite que vous puissiez intervenir auprès de votre Premier ministre et de son ministre de l’intérieur et leur demander de rendre sa liberté d’expression à  la société civile. En cet espoir, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de mon accablement.

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(1) David Auerbach Chiffrin, porte-parole

– d’Onzième Dom (Amicale des Français/es d’outre-mers du XIème arrondissement de Paris

– de Shechora Ani Venava (Amicale juive des personnes lesbiennes, gaies, bi et trans de couleur

– et de la federation Total Respect ( Tjenbé Red ) – federation@tjenbered.fr

Auteur/autrice : perspektives

Didier Levreau, créateur en 2010 du site Perspektives, 10 ans d'existence à ce jour