Aberration environnementale: brûler du bois américain pour produire de l’électricité en Guadeloupe

Les différents régimes dérogatoires appliqués à la Guadeloupe par rapport à l’hexagone tout au long de l’histoire n’ont pas toujours été de meilleurs augures. Le plus ancien, fondateur, fut la pratique de l’esclavage: autorisé ici, interdit là-bas; plus récemment la prolongation de l’utilisation du chlordécone dans les années 1980 ou l’autorisation de l’épandage aérien sur les bananiers firent l’objet de dérogations préfectorales
Une nouvelle demande de dérogations pour les régions d’outre mer serait dans les tuyaux à Bruxelles pour autoriser ces territoires à produire plus de gaz à effet de serre que ne l’autorise le droit commun. La demande viendrait d’Albioma qui souhaite importer du bois américain pour alimenter les centrales thermiques qui en Guadeloupe produisent l’électricité nécessaire à l’archipel.
Maryse Coppet, avocate guadeloupéenne, introduite dans le milieu du lobbying bruxellois a soulevé cette question lors d’une intervention sur Canal 10, largement relayée sur les réseaux sociaux.
Le but de cette dérogation serait de permettre à la Guadeloupe d’importer et de brûler des quantités importantes de bois des Etats-Unis pour alimenter les centrales électriques guadeloupéennes. Il faudrait aller chercher du bois par bateau aux USA, pour un coût à la fois économique et environnemental important, pour produire de l’électricité dans un pays qui dispose d’un potentiel d’énergies naturelles à la fois illimitées et si peu exploitées: la géothermie, l’éolien, le solaire et la mer. Les énergies marines sont en phase de développement dans plusieurs régions du monde, des pays ont passé la phase d’expérimentation et produisent de l’électricité de façon industrielle, la Guadeloupe pourrait être un remarquable espace d’expérimentation et de production de cette énergie et au lieu de cela on veut importer du bois !
N’y-a-t-il pas de quoi se mettre en colère quand partout sur la planète il est question d’exploiter et de développer les énergies renouvelables ?
Colère d’autant plus légitime que la demande ne vient pas de l’extérieur de l’archipel mais qu’elle est appuyée par des politiques locaux et par la Région. Est-ce qu’on ne marcherait pas sur la tête ?
La société civile doit s’emparer du sujet
Après avoir laissé vendre la centrale de geothermie de Bouillante à une multinationale israélo-américaine, la solution trouvée pour produire de l’énergie électrique en Guadeloupe serait d’exploiter de la biomasse venue des USA. Et tout cela largement financé par de l’argent public donc par les contribuables.
N’existe-t-il pas des solutions plus logiques et cohérentes pour produire l’énergie dont a besoin l’archipel ? Si les politiques n’en voient pas d’autres il est urgent que la société civile s’empare du sujet et fasse pression pour que d’autres pistes soient envisagées, à la fois novatrices et créatrices. Deux termes qui semblent manquer dans le vocabulaire de la plupart des hommes et des femmes politiques qui ont en charge le destin de la Guadeloupe pour lesquels les solutions ne peuvent que venir d’ailleurs.
« Importer, toujours importer » constate Maryse Coppet et ainsi aggraver toujours plus la dépendance. Importer pour se nourrir, importer pour la production d’énergie, la logique du container si rentable pour ceux qui en détiennent le contrôle est une sorte d’impasse pour l’avenir de l’archipel.

Un Etat n’est pas naturellement vertueux
Depuis des années les subventions et l’argent public sont captés pour favoriser des activités qui ne favorisent pas le développement réel du territoire:  » Les financements publics sont captés par les plus riches, dénonce Maryse Coppet, les grands groupes en bénéficient, nous assistons à une sorte de détournement des fonds publics sous la pression des lobbies. La population consciente doit faire pression à son tour pour que d’autres logiques se mettent en oeuvre. »
Cette autre logique serait l’investissement dans les énergies douces, le développement d’une agriculture destinée à nourrir – au moins partiellement – la population, la maîtrise du foncier agricole, bref à moyen et long terme un vrai projet de développement qui ne repose pas comme c’est le cas aujourd’hui uniquement sur la consommation, les transferts sociaux, les financements publics.
L’élément nouveau dans les propos de Maryse Coppet est qu’elle n’accuse pas uniquement l’Europe, ni Paris pour ces dérives, elle désigne aussi comme responsables les décideurs locaux qui soutiennent ces demandes et manquent de vision. Vrai ou faux, les Guadeloupéens doivent se poser la question.
L’avocate évoque comme exemple le projet de tram en Guadeloupe qui pourrait désengorger le trafic automobile en voie de saturation à certaines heures et faciliter le déplacement des plus modestes. Selon elle, l’Europe est prête à financer en partie ce tram, mais qui porte réellement le projet en Guadeloupe, qui défend les transports en commun et les modes de déplacements alternatifs ? L’automobile reste intouchable !
Ces propos renvoient à l’audition récente d’un député martiniquais par la commission d’enquête parlementaire sur le chlordécone. Guy Lordinot pour ne pas le citer a dû reconnaître, un peu embarrassé, qu’il était intervenu pour obtenir une prolongation d’utilisation du pesticide allant ainsi dans le sens de ce que souhaitaient les planteurs. Quand un député local exprime ce type demande, quand des lobbies font pression et que la population ne bouge pas, sur quoi le pouvoir central fonde-t-il sa décision ? Un Etat n’est pas naturellement vertueux ! Qui peut penser le contraire ?
Ce qui fut vrai pour le chlordécone, l’est aussi pour la centrale de Bouillante, nul politique local n’a fait entendre sa voix pour s’opposer à la vente. Qu’en sera-t-il cette fois pour le projet de production d’électricité avec du bois venu d’ailleurs ? A suivre.

2 réflexions sur « Aberration environnementale: brûler du bois américain pour produire de l’électricité en Guadeloupe »

  1. A Paulin … pas sur que cet article et celui qui l’a écrit -si c’est cela que tu veux dire – nous protège, au mieux il nous informe, il donne des éléments de réflexion à la société civile, ensuite c’est à elle de se protéger elle même par sa prise de conscience et ses actions, tout reste à faire après avoir lu cela.

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