La Mission outre-mer verse des milliards sur les Dom sans cacher  » les ronrons de la bonne conscience »

L’assemblée nationale a adopté les crédits 2014 de la mission outre-mer. Claude Edmond établi une sorte de catalogue des sommes déversées par l’Etat sur ses  » outremers » et conclut:  » Le sort des ultramarins ne repose pas seulement sur un budget. La réalité des territoires doit être prise en compte. » Gommée durant des décennies, cette réalité va-t-elle finir pas s’imposer ?

  » O mon corps, fais de moi toujours, un homme qui interroge »

Frantz FANON. Peau noire et masques blancs. 1952.

Globalement, la norme des dépenses du projet de loi de finances pour 2014 diminue de 0,35% en valeur et de 1,7% en volume. Les crédits propres au budget consacrés à  l’outre-mer sont aussi en baisse. En effet, les autorisations d’engagement diminuent de 1,8% passant de 2 188,2 millions d’euros à  2 147,8 millions d’euros. Parallèlement, les crédits de paiements augmentent de 1% de 2 038,8 millions à  2 060,3 millions . De surcroît, la mission outre-mer ne représente qu’une part infime de l’effort national en direction des ultramarins.

Les deux programmes de la Mission outre-mer: l’emploi et les conditions de vie

Les crédits de paiement de la mission outre-mer s’élèvent à  2,06 milliards, soit 11% du budget général. Ils sont répartis entre deux programmes

LE PROGRAMME EMPLOI. C’est le programme le plus important en volume. Si les autorisations d’engagement se stabilisent à  1 403,9 millions , les crédits de paiement reculent de 0,4% à  1 387,6 millions . Soit 70 % de l’enveloppe globale de la mission. Ce programme a pour objectif d’accroître la compétitivité des entreprises et de faciliter l’accès au marché du travail des ultramarins. Il regroupe trois actions.

– Soutien aux entreprises rassemble 82,4% des crédits (1,147 milliard ) et a pour objet de réduire le co ût de travail. Ce dispositif est constitué d’exonérations sociales patronales (99% des crédits) sur les salaires dont le montant est inférieur ou égal à  1,4 SMIC. Soit les 2/3 des salariés outre-mer. Par ailleurs, cette action regroupe d’une part, les crédits affectés à  l’aide au fret destinée à  abaisser le co ût des intrants et des extrants. D’autre part, l’aide à  la rénovation hôtelière. Elle concerne les établissements de plus de 15 ans. Son montant ne peut excéder 7 500 euros par chambre à  rénover dans la limite de 100 chambres. Le montant global est de 9 millions.

– Aide à  l’insertion et à  la qualification professionnelle regroupe 17,4% des crédits du programme. Soit 237 millions €. Cette action vise à  favoriser l’inclusion dans l’emploi des jeunes ultramarins à  travers notamment son dispositif le plus emblématique que constitue le service militaire adapté (SMA). Initialement prévu pour 2012, le doublement (de 3 000 à  6 000) des volontaires du SMA est repoussé à  2016. La population reçue est composée d’un minimum de 70% de personnes non diplômés (75% en 2012) et de 30% d’illettrés (36% en 2012). Le taux d’insertion est situé autour de 82% en Guadeloupe. Pour obtenir et maintenir ces résultats, de nouvelles filières de formation ont été créées ou à  créer : tourisme, s ûreté, énergies renouvelables, climatisation, nettoyage, élagage.

– Pilotage des politiques des outre-mer représente 0,2% des crédits du programme. Soit 2,9 millions €. Elle correspond aux dépenses de fonctionnement liées à  la création d’un ministère de plein exercice.

LE PROGRAMME CONDITION DE VIE. Il est doté de 673 millions d’euros en crédits de paiement. Soit 30 % de l’enveloppe globale de la mission. Les autorisations d’engagement du programme sont en baisse de 5,1%. Les crédits de paiement augmentent de 4,1%. Cette évolution s’explique par la couverture d’engagements antérieurs. Ce programme regroupe 8 actions.

– Logement rassemble 36,7% des crédits du programme. Elle regroupe la politique du logement social au travers la ligne budgétaire unique (LBU) dotée de 245 millions .

– Aménagement du territoire possède une enveloppe de 164,3 millions soit 24,4% des crédits. Elle assure le financement des projets d’investissements au moyen des contrats de projets et de développement.

– Continuité territoriale d’un montant de 51,4 millions regroupe des mesures relatives au désenclavement avec la métropole. L’objectif est de favoriser les déplacements notamment des étudiants entre l’hexagone et l’outre-mer.

– Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport dotée de 5,2 millions vise à  améliorer la cohésion sociale et de favoriser l’égalité des chances outre-mer.

– Collectivités territoriales regroupe 25% des crédits du programme (171,7 millions ) en direction de leur accompagnement financier.

– Insertion économique et coopération régionale (1,9 million ) incite les collectivités locales à  s’intégrer dans leur milieu régional.

– Fonds exceptionnel d’investissement (25,9 millions ) permet la réalisation d’équipements publics collectifs. Le président de la République avait prévu 500 millions d’euros sur 5 ans. Nous en sommes bien loin. 50 millions sont engagés par tranche annuelle. Soit deux fois moins.

– Appui à  l’accès aux financements bancaires (7,2 millions ) facilite la mise en oeuvre de politiques publiques par le biais de l’agence française pour le développement (AFD) au profit des collectivités ultramarines.

La politique transversale de l’Etat en faveur de l’outre-mer

contribue pour 18,2 milliards

Au-delà  de la mission outre-mer, l’effort budgétaire global de l’Etat en direction des ultramarins atteint 14,2 milliards en 2014 en crédits de paiement. En effet, la politique publique interministérielle et territorialisée financée par l’Etat en outre-mer sont portées par 89 programmes relevant de 27 missions auxquels s’ajoutent les prélèvements sur recettes. Elle est retracée au travers le document de politique transversale (DPT) outre-mer. En outre, les dépenses fiscales sur impôts d’Etat et locaux sont estimées à  3,98 milliards . Soit près de deux fois le montant des crédits de paiement prévus pour la mission. Au final, la contribution totale de l’Etat en faveur des outre-mer atteint 18,2 milliards .

La politique transversale de l’Etat est organisée autour de six axes thématiques au sein desquels s’inscrivent les actions menées en outre-mer.

– Développer l’emploi, la production et l’investissement outre-mer.

Cette action regroupe 18 programmes relevant de 8 missions. Cette politique se traduit par des actions de formation professionnelle, d’inclusion et de retour dans l’emploi, des exonérations de cotisations patronales. Mais aussi la valorisation du tourisme, la spécialisation des entreprises sur des secteurs à  forte valeur ajoutée et la modernisation des filières agricoles, agroalimentaires et de la pêche.

– Offrir une véritable égalité des chances à  la jeunesse outre-mer. Cette action regroupe 14 programmes relevant de 7 missions. 36% de la population a moins de 20 ans. A ce titre, l’éducation, la formation, l’insertion professionnelle, le sport constituent des enjeux majeurs pour l’épanouissement de la jeunesse.

– Garantir la sécurité des citoyens outre-mer. Cette action regroupe 20 programmes relevant de 10 missions. La conduite de cette politique se décline en plusieurs volets : sécurités civile, routière, publique et juridique.

– Améliorer les conditions de vie des citoyens outre-mer . Cette action regroupe 25 programmes relevant de 14 missions. Elle se traduit par des actions en faveur de l’accès au logement, par le désenclavement des territoires ultramarins et par la promotion de l’égalité des chances.

– Favoriser le développement durable des territoires en partenariat avec les collectivités . Cette action regroupe 9 programmes relevant de 5 missions. L’Etat compense les handicaps et inégalités géographiques par des dotations spécifiques l’animation et le suivi des contrats de projets et conventions de développement.

– Valoriser les atouts des outre-mer . Cette dernière action, regroupe 18 programmes relevant de 9 missions. Il vise la recherche, l’innovation, l’accès à  la culture, la protection de l’environnement et de la biodiversité.

La stratégie de transferts est à  bout de souffle,

le développement des activités endogènes est le recours !

Au-delà  des questions budgétaires, il devient urgent de mener une politique publique de développement enracinée dans les territoires. Le schéma économique actuel reposant sur des transferts en provenance de la métropole est à  bout de souffle. Il s’agit d’amorcer un changement de modèle économique davantage tourné vers des politiques de structurations des filières locales : agricole, agroalimentaire, pêche, énergétique, tourisme haut de gamme, valorisation des déchets, eau potable, traitement des eaux usées, transport collectif en site propre. Par ailleurs, en dépassant cette simple présentation flatteuse mais trompeuse des crédits, nous nous érigeons en disciple de F. Fanon dans lequel Aimé Césaire vit :  » celui qui vous empêche de vous boucher les yeux et de vous endormir au ronron de la bonne conscience « .

Auteur/autrice : perspektives

Didier Levreau, créateur en 2010 du site Perspektives, 10 ans d'existence à ce jour