De l’épandage aérien à  la vigilance citoyenne

Il y avait les  » indignés espagnols », y aura-t-il les  » vigilants guadeloupéens ». L’évolution, en Guadeloupe, du collectif contre l’épandage aérien, en collectif « vigilance citoyenne » ressemble à  la démarche qui a rassemblé, en Espagne et ailleurs, des personnes ne se reconnaissant pas dans les stratégies des pouvoirs en place, ni dans celles des corps constitués sensés agir en contre pouvoir . Cette forme de  » citoyenneté à  l’état pur » est difficile à  faire exister, elle est pourtant nécessaire lorsqu’un sentiment de blocage né dans une société. Etre citoyen dans ce qu’on appelle une démocratie réclame que chacun s’intéresse a minima à  la vie publique et juge de l’orientation des affaires communes. Puis, le cas échéant que chacun puisse être entendu et agir. L’affaire de l’épandage aérien en Guadeloupe est à  ce titre assez exemplaire.

Sans participation active ou minimale des individus qui la composent, la  » démocratie » perd sa substance et glisse vers des formes qui dépossédent les citoyens, individuellement et collectivement, de leur responsabilité et de leur liberté. La relation entre les électeurs et le pouvoir ne peut pas se limiter au suffrage universel et au vote. La passivité citoyenne convient a des systèmes politiques qui fondamentalement se détournent de l’intérêt général, pour se concentrer sur un ou plusieurs intérêts particuliers. Les théoriciens de la démocratie ont longuement analysé et décrit ces phénomènes « d’appauvrissement démocratique », toujours liés à  la qualité de l’information et au niveau de formation des  » peuples ». Rien de nouveau sous le soleil donc, mais rappeler ces fondamentaux ne peut pas faire de mal.

Voici le communiqué publié par ce nouveau collectif vigilance citoyenne.
Les membres du collectif contre l’épandage aérien et des sympathisants réunis le jeudi 10 janvier 2013 ont décidé de créer une nouvelle structure : Le collectif vigilance citoyenne.

Si en effet, la lutte que nous avons menée contre l’épandage aérien de pesticides a connu un succès certain (car l’épandage aérien est interdit en Guadeloupe jusqu’à  nouvel ordre), la vigilance est de mise car on ne sait s’il ne peut reprendre à  l’avenir. Mais au-delà  du problème de l’épandage aérien de pesticides, notre combat pour défendre l’environnement, la santé et plus largement pour le respect de la vie, n’est pas terminé.

En outre, ce que nous a dévoilé cette lutte c’est l’incapacité de l’Etat comme des politiques à  dégager de façon claire ce qui relève de l’intérêt public ou du bien commun. La responsabilité de l’Etat a été démontrée quant à  l’utilisation dramatique de la chlordécone dans le passé et, aujourd’hui encore, par les dérogations inadmissibles accordées pour l’épandage aérien. Tout aussi grave, des organisations étatiques comme la DAAF n’ont pas rempli leur rôle de protection des citoyens quant à  l’environnement et à  la santé. Concernant nos élus, les logiques politiciennes ont prévalu sur ces questions quand on s’attendait qu’ils prennent à  ce sujet des positions plus claires et plus tranchées concernant l’épandage aérien dans le secteur bananier.

Le succès remporté par notre collectif contre l’épandage aérien nous montre donc qu’il est illusoire de n’attendre que de l’Etat et des politiques la résolution de tous les problèmes concernant l’intérêt public. La vitalité démocratique d’un peuple passe donc aussi par sa vigilance et sa capacité de mobilisation quand cela est nécessaire. Cette possibilité est une des conditions nécessaires (parmi d’autres bien s ûr) permettant à  une société comme la nôtre de dégager collectivement ce qui relève du bien public afin de se projeter positivement dans le futur.

Ainsi, le Collectif de vigilance citoyenne aura pour fonction d’être attentif à  tout ce qui relève de la défense de l’intérêt général au-delà  des seuls problèmes relatifs à  l’environnement et à  la santé. Ce faisant et aussi modeste soit-il, il en appelle à  la vigilance de toutes et de tous et il espère porter sa contribution dans le renforcement de la conscience civique guadeloupéenne sans laquelle nulle conscience collective ouverte sur l’avenir n’est pensable.

Le Collectif se réunira, tout comme un sénat au sens créole du terme, tous les premiers jeudi du mois, à  19 heures, à  la Casa del tango. Il s’agira à  chaque fois de faire le point sur la situation actuelle quant à  tous ces problèmes (ceux qui relèvent d’une éthique fondamentale bien entendu car il ne s’agit pas pour nous de prendre en compte tous les problèmes sociaux qui sont à  la charge des partenaires sociaux) et il accueillera volontiers toutes les doléances à  ce sujet. En ce sens et modestement il sera un lieu, parmi d’autres possibles, o๠la conscience collective tente de se réfléchir c’est-à -dire de revenir sur elle-même pour mieux s’analyser.

Le Collectif vigilance citoyenne.

Auteur/autrice : perspektives

Didier Levreau, créateur en 2010 du site Perspektives, 10 ans d'existence à ce jour