Une prise de conscience îlienne est nécessaire. Si les îliens eux-même et la planéte ne réussissent pas à sauvegarder la richesse et la diversité des îles, en Guadeloupe et ailleurs, à terme la richesse et la diversité de continents plus vastes sont menacées. Fera-t-on appel au bon sens, ou la fuite en avant aveugle va-t-elle se poursuivre ? Les îles sont fragiles par leur géographie, leurs richesses naturelles, la diversité des cultures qui les composent et leur économie. Elles constituent un monde à échelle réduite. Sur une île, l’impact des pollutions, d’un développement non maîtrisé, de décisions incohérentes ou d’absence de décision, peut être rapide, parfois catastrophique plus que sur un continent vaste qui posséde des réserves d’espace non habité, ces » arrière pays » que n’ont pas de petits territoire de quelques centaines ou milliers de kilomètres carré au milieu des mers ou des océans.
Dans la région caraïbe, le déboisement anormal d’Haïti qui ne ne possède plus aujourd’hui que 2% de surface couverte de forêts contre 20% en 1960 est un exemple frappant. La pauvreté, une économie non maîtrisée, l’absence de projet, la paralysie de l’Etat et, dans le passé l’enrichissement personnel de quelques uns sont la cause de ce désastre qui amplifie les inondations et les glissements de terrain. Saint-Domingue de l’autre côté de la frontière haïtienne conserve en 2010, 30% de surface couverte de bois et de forêt. Cela donne à réfléchir.
Sur un autre océan et sous un autre angle, en 2009, les habitants de l’île de Pâques (164 km2) ont émis le souhait auprès du gouvernement chilien de mieux contrôler les fluxs migratoires. Ils estiment trop important le nombre de résidents permanents, le nombre de véhicules automobiles, le volume d’ordures ménagères à gérer sur un si petit territoire et observent avec inquiétude l’émergence d’une petite délinquance qui n’existait pas sur l’île.
Si les îliens eux-mêmes et la planète ne réussissent pas à sauvegarder la richesse et la diversité des îles, à terme la richesse et la diversité de continents plus vastes seront menacés.
La question qui se pose est donc la suivante: peut-on continuer à vivre, à consommer, à produire sur des territoires restreints comme on le fait depuis trente ans. Une île est un territoire restreint, la Terre est aussi un territoire restreint.
Alors, si les îles prenaient l’initiative ! Face à un modèle de développement fondé sur une croissance dévoreuse d’espace et d’énergie, une autre voie peut-elle émerger. Rêvons un peu, la fragilité insulaire pourrait-elle induire un mode de développement qui résiste et serve d’exemple aux grands continents ? Il va bien falloir aux mots de développement durables, réchauffement climatiques, protection de la nature associer un jour des comportements et des gestes appropriés.
La Guadeloupe est plus grande que l’île de Pâques, un peu plus de 1600 km2 au lieu de 164, la tension démographique n’est pas celle de l’île chilienne, mais depuis une trentaine d’années la population augmente, les modes de vie se transforment et des questions, auxquelles il faudra trouver des réponses, se posent.
Le premier constat est une manière nouvelle d’habiter. D’un habitat ouvert, avec ventilation et circulation d’air naturelles, on est passé a un habitat fermé. Entre 1990 et 2006 le nombre des climatiseurs a été multiplié par six. Le soir au lieu de laisser la galerie ouverte et l’air circuler, on s’enferme dans la clim. La sécurité – peur des intrus – les moustiques, la pollution sont les causes de ce changement. Par ailleurs le co ût d’installation d’une climatisation a baissé jusqu’à rendre ce « confort » abordable. Mais une climatisation domestique réclame de l’énergie. La consommation d’énergie augmente de 2% par an en Guadeloupe, cette énergie co ûte cher et pollue. Un kwh produit en Guadeloupe 759g de Co2 contre 60 à 80g de Co2 en France hexagonale du fait des centrales thermiques. La production de cette énergie co ûte près de quatre fois plus cher sur le territoire de la Guadeloupe. Si l’on tient compte par ailleurs que la température a augmenté de 1,5° depuis 1970 et que cela risque de continuer, si rien ne change il faudra toujours plus de clim et toujours plus d’énergie pour continuer à vivre ainsi. Jusqu’à quand pourra-t-on se payer ce « confort » ?
Autre constat, la circulation automobile. Pour aller et revenir de son lieu de travail, pour conduire les enfants à l’école, on passe en moyenne deux heures par jour bloqués dans des embouteillages en Guadeloupe, si rien n’est fait dans quelques années ce sera trois heures. Embouteillages, dans des voitures climatisées qui polluent , consomment de l’énergie et contribuent ainsi au réchauffement climatique. Un cercle qui n’a rien de vertueux.
Des solutions existent. Haïti pourrait développer les fours solaires comme cela a été fait au Chili pour enrayer la destruction des forêts à des fins domestiques, ce serait créateur d’emplois et innovant.
La Caraïbe pourrait développer encore plus une architecture moderne et contemporaine qui utilise les phénomènes de ventilations naturelles, ainsi que la mémoire et les savoirs-faire anciens plutôt que copier une architecture verre/béton/climatisation venue d’ailleurs, inadaptée au climat tropical et très co ûteuse. On a vu des exemples d’édifices publics rendus invivables dès que la clim est en panne. Et cela arrive inévitablement car un système de climatisation demande une maintenance régulière, elle-même co ûteuse, pour bien fonctionner.
En matière de circulation automobile, il est urgent de mettre en oeuvre les plans de déplacements urbains et les transports en commun fiables qui pourraient améliorer la circulation dans l’île. Peut-on imaginer pire plan de déplacement que celui de Jarry, la zone commerciale qui chaque jour draîne des milliers de personnes – employés et consommateurs – avec embouteillages automatiques à la clé et quasi impossibilité de se déplacer à pieds d’un espace de vente à l’autre. Et demander la baisse du prix de l’essence pour rouler plus, consommer plus n’est pas la solution à long terme, cette exigence a plutôt pour effet de retarder la prise de conscience de la réalité par la population et accélérer les effets négatifs. Alors, va-t-on faire appel à un certain » bon sens » ou poursuivre aveuglément une fuite en avant sans issue ?
En matière d’énergie, le renouvelable est possible. La Réunion produit plus de 30% d’énergies renouvelable, en 2009, nous étions en Guadeloupe à 11%. Un chiffre en progression ( 4,1% en 1998)
On pourrait également parler de gestion des déchets, de protection du littoral.
Les solutions qui existent réclament pour leur mise en oeuvre une méthode et des engagements de la part des décideurs et des politiques pour convaincre la population, se convaincre peut-être eux-même et ensuite agir. Pour l’instant excepté les déclarations d’intention et quelques plans de communication les avancés sont timides. Pas suffisante pour dire que les îles ou qu’une île ayant pris conscience de sa fragilité, de sa spécificité et de sa force a fait le choix d’un développement cohérent et lucide, pour imaginer un modèle qui pourrait servir d’exemple à d’autres.
Alors débattre sur le statut comme les politiques le font actuellement sans soulever un grand intérêt chez les électeurs est-ce suffisant ? Ils auraient une meilleure écoute et retiendraient peut-être l’attention des Guadeloupéens s’ils associaient à la question très formelle du statut, celle d’un projet d’avenir lisible pour la Guadeloupe. Si un tel projet existait l’île, les îles, ces frontières actives, poussières de vieux empires déclinant, jamais prises vraiment au sérieux, toujours réduites à leur sable et leurs cocotiers, auraient peut-être une chance d’être entendues voire même d’être écoutées.
Quelques chiffres pour terminer non pas pour dire qu’il faut revenir dans un pays tropical au mode de vie d’il y a un siècle – ah le progrès – mais pour alimenter le débat et s’interroger sur l’avenir:
– Entre 2000 et 2009 la consommation par abonné EDF a augmenté de 13,8% du fait notamment de l’accroissement de l’équipement des familles en climatiseur et eau chaude sanitaire. Energie donc pour produire de l’air frais et de l’eau chaude, dans un pays o๠la température oscille en moyenne entre 26 et 32°.
Par ailleurs, 37% de l’énergie consommée par les entreprises provient de l’usage de la climatisation. Bref le confort moderne, jusqu’o๠? ( source IEDOM rapport 2009)